Une autre vision du Cancer




     Illustrant le fameux cri du coeur d'un médecin de molière : " Il vaut mieux mourir selon les règles que de réchapper contre les règles", les conseils de l'ordre ont souvent mené une croisade acharnée contre ceux qui prétendaient guérir le cancer sans chimio ni radio. le nombre de charlatans et le pourcentage de réussites de ces traitements " alternatif " étant deux réalités indéniables, le débat semblait voué à une stérilité sans fin, jusqu'aux découvertes d'un médecin américain, le Dr Carl Simonton.



     Celui-ci, radiothérapeute et oncolologue de renommée internationale, étudia le profil des cancéreux qui survivaient à leur pathologie, en dépit d'un pronostic fatal. Il y puisa le principe de sa méthode : " Puisque les malades qui ont guéri sont des guerriers persuadés qu'ils vont s'en sortir, mon travail sera donc de transformer mes patients en guerriers. "

     C'est ainsi qu'il inventa dans les années 1970, la " visualisation créatrice ". Il ne s'agissait plus d'opposer traitements classiques et techniques de guérison psychique, mais d'unir leurs bénéfices mutuels en diminuant les effets secondaires.

     Au Simonton Cancer Center, il proposait notamment à ses patients d'"apprivoiser" la radiothérapie. Mode d'emploi : visualiser les rayons comme un bombardement de forces alliées envoyant de minuscules projectiles d'énergie. Au lieu de se représenter les cellules cancéreuses comme des commandos d'envahisseurs et de kamikazes, il convient de les traiter en victimes affaiblies et perturbées par ce bombardement. Et d'imaginer les globules blancs comme de vaillants ambulanciers de la Croix-Rouge, assurant le transport de ces cellules malignes - mourantes ou déjà mortes - vers le foie, puis vers les reins qui les évacuent du champ de bataille.



     Il est intéressant de noter que, pour nombre de chercheurs, c'est le pouvoir de ces visualisations qui opère également dans le cas des médicaments placebo. Mais de manière passive. Au lieu de modifier sciemment par un leurre l'action d'un traitement, comme le permet la méthode Simonton, c'est un leurre qui modifie à notre insu les réactions de notre organisme. Un simple cachet de sucre peut ainsi produire les effets du médicament qu'il remplace. A condition toutefois que notre conscience soit dupe. Elle confère alors au mensonge les propriétés actives de la vérité.



     Mais revenons à Simonton. Dès sa première étude, publiée en 1978, il teste sa méthode sur cent cinquante-neuf sujets, dont les cancers sont jugés médicalement incurables et l'espérance de vie très courte. Au bout de quatre ans, soixante-trois sont encore de ce monde, et ceux qui sont morts ont vécu presque deux fois plus longtemps que les patients du groupe contrôle. Quatorze ne présentent plus aucune trace de leur mal, douze l'ont vu régresser de manière significative, et dix-sept l'ont stabilisé.

     Les expériences ultérieures et le recul nécessaire ne feront que confirmer et améliorer ces statistiques. Ce qui n'empêchera pas les critiques acerbes de certains de ses confrères. Que lui reprochent-ils? De " fausser les résultats en choisissant de façon partial des patients non représentatifs, car animés d'une combativité exceptionnelle ". Or c'est précisément le but de sa démonstration. Ses cobayes sont tous volontaires, et donc animés du désir farouche de guérir, c'est-à-dire de mettre à profit toute forme d'aide extérieure - ou intérieure. Qu'aurait dû faire Simonton pour établir un protocole " impartial " ? Recruter des losers désespérés, des angoissés inhibés par la souffrance, des condamnés fatalistes n'attendant plus que la mort, et les amener à prouver leur impuissance devant la maladie ?





     Heureusement, le corps médical n'est pas toujours atteint de rigidité. Le Dr Jeanne Achterberg, psychologue et directrice de recherche au Health Science Center de l'université du Texas, participa non seulement à l'élaboration des techniques de psycho-neuro-immunologie utilisées par Simonton, mais elle s'efforça de comprendre comment (et pourquoi) une simple image mentale peut parfois triompher d'un cancer incurable.

     Pour elle, tout réside dans l'aptitude du cerveau à la représentation holographique. Selon ce modèle, nous vivons certaines choses comme des réalités intérieures (nos émotions) et d'autres comme des réalités extérieures (une voiture qui passe, un chant d'oiseau). Parce que, rappelle Michael Talbot, l'un des meilleurs spécialistes de ce sujet, "c'est là que le cerveau les situe, quand il crée l'hologramme interne qu'il nous donne à percevoir en guise de réel. Or nous savons que ce cerveau n'est pas toujours en mesure de faire la distinction entre le monde extérieur et l'apparence qu'il lui prête. [...] Imagination et réalité sont en dernier ressort confondues, et nou ne devrions donc pas être surpris que les images mentales soient, en définitive, susceptibles de se manifester sous forme de réalités du corps physique ".



     Cela s'appelle le "syndrome du membre fantôme" : un manchot, par exemple, se plaint d'une douleur à son bras amputé. Certes, notre cerveau ne distingue pas toujours le réel de l'imaginaire, mais cette carence ne demande qu'à devenir un atout. Si le souvenir d'un bras perdu réactualise son existence jusqu'à faire produire par notre inconscient une douleur à son ancien emplacement, alors le même processus, si on l'inverse, peut avoir un impact sur notre organisme. En d'autres termes : au lieu de se contenter de subir l'effet d'une image irréelle fabriquée par notre cerveau, mieux vaut tenter de créer consciemment la réalité qu'on visualise. Grossièrement résumé, c'est ce qui ressort des conclusions de Jeanne Achterberg. " Quand des images sont envisagées sous l'angle holographique, écrit-elle, leur puissante influence sur l'organisme va de soi. Image, comportement et concomitants physiologiques sont un aspect unifié du même phénomène."





     N'importe quoi, ricanent les matérialistes et les laboratoires pharmaceutiques : tout cela relève de la pure imagination. Oui, justement. Comme le disait le grand physicien David Bohm, inspirateur de tous ces travaux, " l'imagination est déjà création de forme : elle à déjà en elle l'intention et l'ébauche de tous les mouvements nécessaires pour la mener à son terme ".

     Concrètement, si on se fie aux données statistiques et aux témoignages de patients, cette théorie a sauvé un grand nombre de vies.

     Depuis le décès de Simonton en 2009 et celui d'Achterberg en 2012, de nombreux praticiens comme Bernie Siegel ou Deepak Chopra continuent de relayer, d'employer et de développer ces méthodes de visualisation créatrice, qui se sont révélées applicables à bien d'autres pathologies que le cancer. C'est peut-être"la foi qui guérit", comme disait le neuropsychiatre Charcot pour démythifier les miracles de Lourdes, mais c'est bel et bien l'imagination qui le permet.





Jeanne Achterberg, Imagery in Healing, New Science Library 1985

Michel Talbot, L'unnivers est un hologramme.
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